Aremacs – Plus de Festoches, moins de déchets !

Aremacs, festivals

L’été est la saison des glaces à la vanille, des champs de tournesols et des canicules – quoi ça risque de ne plus être réservé qu’à l’été. Mais l’été, en France, c’est aussi la saison des FESTIVALS ! Ce moment ou des dizaines de milliers de personnes se rejoignent parfois dans des lieux improbables pour venir écouter leurs artistes préférés. Le commun des mortels est souvent seulement spectateur de ce genre d’événements, bien loin des soucis d’organisation et du lien entre tous les acteurs qui permettent leur bon déroulement.
Evidemment, on parle ici de festivals, mais cet article peut concerner tout type d’évènement culturel, sportif ou encore professionnel.

Organiser un festival c’est donner vie à un village éphémère, une société miniature qui évoluera le temps de quelques jours. Se posent alors plusieurs questions : Comment loger les festivaliers ? Quelle alimentation proposer sur place ? Comment gérer les flux de personnes, de matières, de déchets ?
L’association Aremacs fait partie de ces acteurs « de l’ombre » qui « accompagnent à la réduction, la gestion et la valorisation des déchets en événementiel tout en proposant une sensibilisation des publics à l’écoresponsabilité ». Comme nous le partage Vic, salariée de l’association Aremacs Bordeaux, dans l’évennementiel, les déchets sont souvent les grand oubliés.

« Je ne sais pas si vous avez déjà organisé un événement mais [les déchets] c’est le dernier élément auquel on pense. En tant qu’organisatrice j’y ai rarement pensé. C’est souvent dans l’urgence. »

VIC, Aremacs Bordeaux

En juin 2020, nous avons rencontré Paul, Sarah, Vic et Sushila, alors salariés au sein de l’association Aremacs Bordeaux. On a beaucoup aimé nos échanges ainsi que l’esprit de l’association, alors on a eu envie de vous en donner un petit aperçu.

Aremacs, comment tout à commencé ?

Aremacs a vu le jour il y a 16 ans [en 2004, ndlr], avec 3 copains originaires de Rhône-Alpes. Nous sommes aux balbutiements de l’éco-responsabilité, ils veulent participer à des festivals et se demandent comment intégrer un festival tout en ayant une démarche éco-responsable. Il y a 16 ans les poubelles se font rares sur les festivals. Ils décident de proposer un service de tri in-situ, dans le festival. Avant d’arriver aux supports que l’on a maintenant c’est un poteau avec un sac poubelle accroché qui fait office de bac de tri. A l’époque, la problématique n’était pas la même qu’aujourd’hui. Maintenant on cherche à valoriser le plus de matière possible alors qu’à l’époque ne pas jeter par terre c’était déjà un premier pas. Evidemment, en 16 ans ça a évolué et on a vu plusieurs antennes s’ouvrir : à Marseille, à Nantes, à Bordeaux et la petite dernière à Paris.

L’association intervient dans tout type d’événement, ça peut aller du vide-grenier au salon. D’une sollicitation pour une mise à disposition d’un support de tri, à de l’animation, voire à de la délégation de régie déchets parce qu’ils n’ont pas la compétence pour faire ça et ils préfèrent privilégier le savoir faire d’une association qui à l’habitude de travailler dans l’événementiel. Généralement, c’est le volet sensibilisation que les organisations recherchent : on a beau mettre des supports de tri sur un site si il n’y a pas l’humain derrière pour guider le participant au bon geste de tri, engager un dialogue sur comment tu fais chez toi, comment tu peux changer, ça ne fonctionne pas. Le déchet, c’est la pollution la plus visuelle que l’on ai sur un festoche, c’est pas le transport qui va te choquer en disant « C’est ce qui produit le plus de GES« . Le déchet tu le vois voler, il est physique, tangible, c’est souvent le premier pas pour dire « Et au fait, on a vu que tu faisais comme ça ! ». 

Donc généralement, avec les équipes d’organisation, la première étape c’est l’accompagnement sur le terrain. Maintenant on essaie davantage de faire de l’accompagnement à l’organisation de l’événement, ça va de l’alimentation à l’accessibilité, les circuits-courts, la consommation responsable, la revalorisation…

Vous parliez de sensibilisation, dans les faits, ça se passe comment la sensibilisation sur le terrain ?

Vic appelle les bénévoles bordelais les « Pokemons« , moi les « Joyeux lurons du tri », les « Chatons ». On a de la chance d’avoir des bénévoles  qui sont des amours. Ils sont prêts à rester 8 heures d’affilée, debout, pour trier le fin fond d’une poubelle pour récupérer la moindre touillette pour pas qu’elle parte au compost. Ils sont formés toute l’année : au tri mais aussi a comment parler aux organisateurs et au public. Nous notre façon d’interagir c’est jovial, fun et ludique. Il ne faut pas avoir un air moralisateur pour discuter avec les festivaliers, par exemple à Garorock on a des pistolets à eau pour interagir, faire le lien, ça les interpelle, on joue. Ca peut aussi partir en théâtre d’impro au milieu des gradins en mode “Comment ça tu ne jettes pas dans la poubelle, tu sais où je vais te la mettre celle-là ?!”. Donc voila y’a toujours ce coté très Arts du spectacle, interpellant. Après y’a le classique, on va un peu choquer en disant y’a quelqu’un qui retrie derrière vous donc on met les mains dans les supports de tri devant le festivalier. On va essayer au minimum d’aller les trier derrière en backstage. Souvent les organisateurs n’aiment pas trop ça mais nous on essaie de faire au maximum comme ça parce que tu as les festivaliers qui passent et si il y a 4-5 personnes autour d’une poubelle, forcement, ça interpelle.

Après, et ça c’est rigolo, on peut vous dire comment un festivalier perçoit un déchet à 18h, à minuit et à 4h. Par rapport à la sensibilisation, on change d’outil au fur et à mesure. Au début de la soirée, tu les fait viser en mode basket et puis au moins ils l’ont mis dedans. Quand ils sont en descente après un bon festival, ils deviennent eux même acteur. On leur donne des sacs. Y’a des festivaliers qui trainent et on leur dit « Tu peux rester si tu prends un sac poubelle« . C’est ça qui est bien dans les événements culturels, ils peuvent avoir une autre relation au déchets. Ils ont comme un moment de lâcher-prise et c’est un lieu où ils sont pas harcelés par d’autres messages ou contraintes qui font partie de leur quotidien (la pub, la presse etc). On a plus de place nous, pour pouvoir échanger sur ces sujets là. Et comme la culture de l’asso c’est « Je te souris, tu me souris, on discute, si t’as pas envie je te laisse tranquille » et bien, on discute qu’avec des gens qui en ont envie et comme en général on est toujours en train de faire les zouaves, c’est eux qui ont envie de nous parler.

Vous avez parlé de bénévolat, comment ça fonctionne pour devenir bénévole ? En quoi ça consiste ?

On a une rencontre mensuelle (pour ne pas dire apéro) qui permet aux anciens de continuer à voir l’équipe et aux nouveaux de rencontrer tout le monde. En général, ils se créée un premier cercle et on leur explique concrètement ce que fait l’asso, quelles sont les missions qu’ils vont avoir sur tel type d’événement. Ils vont pouvoir s’inscrire où on va aller les chercher s’il nous manque des bénévoles et forcément on va demander à des bénévoles qui ont plus d’appétence pour certains types de musiques etc. C’est ce qui fait notre force enfaite par rapport à une entreprise c’est qu’on connait très bien nos bénévoles, c’est l’humain avant tout. Sans nos bénévoles, on ne pourrait pas exister. Vu ce qu’ils nous donnent sur le terrain, c’est aussi à contre sens. Ils nous donnent tout sur le terrain parce qu’on leur donne avant aussi. Il y a une responsable Vie Associative qui fait le premier contact avec eux et qui est épaulée par des services civiques parce que c’est un travail de titans. On fait vivre le réseau par des ateliers de récup’ etc en dehors des festivals. On l’appelle vraiment notre famille Aremacs. Je pense que c’est ce que recherche la plupart des gens quand ils intègrent une asso, ils entrent dans un cercle… Il y a des bénévoles présents dans cette asso qui sont tellement anciens qu’ils nous ont tous formés. Grossomodo c’est plutôt 19-25 ans, certains suivent l’asso depuis sa création et ils avaient 25 ans à l’époque. On les voit bien dans la vie asso mais moins sur le terrains. Quand tu adhères à l’association, cela te permets de participer à autant de festivals que tu veux, des formations, des ateliers et aussi d’être logé nourri, abreuvé, lors de l’événement, défrayé et de faire des échanges inter-antenne. Cela permet un accès à la culture, pour 5 euros l’année. Ok tu vas trier des déchets mais t’es avec une bande de potes pendant un week end et tu vas voir l’envers du décors d’un gros événement connu internationalement.

Qu’est-ce que vous faites des déchets triés en festival ? Vous arrivez à rediriger les flux ?

Enfaite ça dépend des régions. Là où on a toute notre expertise c’est que selon le territoire et les politiques de collecte et de valorisation, ça ne se passe pas du tout pareil. Le fait qu’Aremacs ait un ancrage local et qu’on est d’abord présents au local avant de l’être au niveau national, fait que l’on connait bien selon les villes et les régions, les consignes de tri. On adapte notre matériel pour la signalisation au public parce que c’est pas la même bannière. Selon le territoire soit on va avoir une collecte publique, ils viennent avec des camions de tri et on met juste à leur disposition le matériel pour qu’ils aillent le traiter dans leur centre de tri. Soit on est dans une zone où la collectivité ne va pas prendre en charge la collecte et là on va faire appel à un centre de tri privé. Nous ce qu’on défend c’est qu’aujourd’hui les déchets, on paie des impôts pour qu’ils soient traités. Nos impôts ne couvrent pas toute la dépense pour le traitement des déchets. Là où la collectivité va se faire des sous c’est quand elle va récupérer la matière du tri et qu’elle va le revendre à des gens qui vont s’en servir pour en faire leur matière première. Il y a pleins d’associations qui trient et qui vous revendent l’aluminium, le plastique pour se faire des sous. Le problème c’est que c’est des sous que l’on enlève à la collectivité et que le contribuable va payer. Donc nous on se bat pour toujours rendre le déchet à la collectivité. On va faire en sorte que toutes les collectivités récupèrent des déchets super bien triés et en général ils sont contents. Le seul problème qu’on peut avoir avec certaines zones c’est par exemple dans l’hyper-centre, pour la collectivité ça a un coût de mettre en place les collectes et pour elle c’est plus de contrainte qu’autre chose même si on lui met à disposition la matière. Et là on est obligés de passer par un privé. 

Après pour certains événements et pour certains types de déchets, on va trouver des associations locales qui vont par exemple récupérer toutes les bâches et ils vont en faire des portes-clés. Au Lacanau Pro, il y a beaucoup de bâches. Chaque année ils les changent parce que c’est la coupe du monde de surf et qu’ils ont besoin de faire des visuels en fonction des surfeurs qui sont là, ils mettent l’année sur la bâche et une charte graphique qui évolue. Les salons c’est pareil, la moquette elle serait pas nécessaire mais ça conduit le visiteur et là pour le coup on peut rien en faire quoi c’est complètement ignifugé et ca part à l’incinération et à l’enfouissement. Le Lacanau Pro ça faisait 15 ans qu’on leur disait que leur moquette servait à rien et depuis l’an dernier j’ai fait ma casse co**lle et il n’y aura plus de moquette mais du plancher. Après, dans cet accompagnement, il faut tenir compte de certaines réalités. A un moment, pour des salons c’est l’enjeu économique, des organisateurs invitent des clients à intégrer un salon, ils paient une prestation, il faut qu’il y ait un certain standing. Certains événements comme les Francofolies, il y a parfois plus de VIP que de public et il y a que des grandes entreprises dont il faut prendre soin. On va scénographier tout le truc. Quand je te dit qu’on construit un village c’est le cas.

Pour une équipe d’organisation, ça coute combien de faire venir Aremacs sur une manifestation ?

Cela va dépendre si tu veux faire le montage, le démontage, le tri. Si on s’occupe du staff, si on fait le compost.. Paul s’occupe de faire un contrat en fonction de ce que l’organisation espère avoir en premier lieu et la réalité de son budget parce que on est en autofinancement, on ne fonctionne qu’avec les prestations des organisations. On n’a presque pas de subventions, seulement 15% au niveau national. Alors, ça coûte moins cher de faire appel à une prestation comme on peut le proposer plutôt que de ne pas y faire appel et de faire une gestion des déchets classique. Les organisateurs ne le comprennent pas tout de suite mais avec le temps ça vient. Et il y a des gains sur le long terme, que l’on apporte : c’est la réduction des déchets, c’est rendre autonomes les festivals et ça c’est un travail sur au moins 3 ans. Après, ils y gagnent en termes d’image mais aussi au niveau des sous parce que sans le tri, il faut prévoir une bène, la poser, ça peut vite revenir à 1000 euros, donc au niveau des sous ça à un vrai impact. Et après il y a un réel impact en termes de sensibilisation, en tout cas, c’est la volonté que l’on a. On agit sur les événements parce que c’est le cadre dans lequel on estime qu’on peut sensibiliser le plus de monde de la meilleure façon qui soit puisqu’ils sont ouverts au message qu’on peut leur apporter et c’est un joli modèle le festival quelque part, puisque c’est la création d’un village éphémère le temps de 3 jours. Donc c’est pouvoir explorer une multitude de modèles sur la gestion des déchets et l’écoresponsabilité en général. 

Des perspectives d’avenir pour l’association ?

Dans les perspectives, ce serait de se développer et d’accompagner des structures plus pérennes et pas que éphémères pour vraiment aller jusqu’au bout de notre volonté d’accompagner au changement un maximum de personnes que ce soit des professionnels et le public en général. Typiquement des salles de concert, des théâtres…

Nous voilà au terme de cet échange qui ouvre la voie à diverses réflexions sur nos manières d’appréhender une manifestation culturelle et sportive, son organisation, notre rôle en tant que participant. Je trouve l’approche joviale et ludique des bénévoles de Aremacs vraiment intéressante. Pour les avoir vu évoluer par la suite dans divers festivals à Bordeaux, Grenoble et Lyon, je peux dire qu’ils donnent envie d’en être ! Vous n’avez qu’à les suivre sur les réseaux pour en avoir un avant goût.

Pour moi cette interview n’est pas seulement la présentation d’une association qui oeuvre chaque jour pour que nos manifestations culturelles et sportives soient plus respectueuses de l’environnement, elle apporte aussi des clés pour aborder nos amis, notre famille sur ces sujets. Mais avant tout, et c’est le dernier point de l’une des questions, accompagner les organisateurs de ces événements permet de tester une multitude de modèles sur des formats plus ou moins long dans des villages éphémères et peut-être, de trouver le bon ? Vous en pensez quoi ?

Si d’aventure, vous pensez organiser un événement, n’hésitez pas à les contacter par ici : https://aremacs.com/contact/

Si vous voulez devenir bénévole et participer à cette folle aventure, découvrez toutes les antennes de l’association en France part ici : https://aremacs.com/nos-antennes/


On espère que vous avez apprécié ce nouveau format d’ARTICLE sur l‘association AREMACS. N’hésitez à venir en discuter avec nous dans les commentaires ou sur nos réseaux sociaux.

Retrouvez l’ensemble de nos articles ICI !