Dormir, travailler, manger, se déplacer … Nos activités ont toutes un impact et exercent des pressions sur notre environnement, notre santé ou la société.
Que nous en soyons conscients ou non, les conséquences de ces actions font aujourd’hui consensus dans la communauté scientifique (GIEC,…). A cela s’ajoute le constat du dépassement en 2022 de 2 nouvelles limites planétaires. Pourtant, même si de plus en plus de personnes prennent conscience de l’impact de leurs actions, le manque de transparence, la difficulté d’accès à une information précise et concrète reste un vrai frein.
Fin 2021, nous avons rencontré William Roquier, alors étudiant entrepreneur à l’IAE de Grenoble et fondateur de la start-up FoodPrint. Soucieux d’apporter au grand public un accès à l’information environnementale, FoodPrint permet une prise de décision éclairée concernant les plats consommés aujourd’hui et demain dans la restauration collective.
Mais au fond, ça reste William qui en parle le mieux :
Qu’est ce que FoodPrint ?
FoodPrint, c’est un projet qui a pour objectif de répondre à la problématique de l’empreinte environnementale de l’alimentation en France. Elle représente ¼ de nos émissions de gaz à effet de serre ce qui contribue au réchauffement climatique. Selon une étude, 3 français sur 5 souhaitent connaître l’impact de ce qu’ils ont dans leurs assiettes. Avec FoodPrint, nous proposons un affichage de l’impact environnemental des plats pour la restauration collective – cela peut être les restaurants universitaires, les restaurants entreprise, la restauration des collectivités, les hôpitaux -. Tout est parti de l’idée de faire, sur une semaine, l’affichage de l’impact environnemental des plats proposés dans les restaurants du Crous à Grenoble, avec un premier test en mars 2019. Les retours ont été bons et le Crous a été ouvert à ce que l’on pérénise l’expérience.
Aujourd’hui, pour nous, chez FoodPrint, l’enjeu réel est sur le côté sensibilisation. On se rend compte que l’affichage proposé est principalement utilisé par les personnes un peu, voire très sensibilisées à cette question, alors les personnes qui ont pas cette envie de se poser la question de leur alimentation ou de l’impact qu’elle peut avoir sur l’environnement, c’est pas l’affichage que nous proposons qui va les pousser à agir. C’est pour cela que nous avons mis tout un protocole pour faire avancer ça.
Comment calcule-t-on l’impact environnemental d’un repas ?
L’impact environnemental des aliments est calculé à partir d’une méthode qu’on appelle l’analyse du cycle du vie, cela prend toutes les étapes en compte à partir du moment où tu plantes une graine jusqu’au moment où elle atterrit cuite dans ton assiette.
Il y a toutes les étapes : agricole, transport, préparation, emballage et parfois on prend en compte le recyclage et les déchets organiques générés. L’analyse du cycle de vie de ton repas va être traduit sous la forme d’un bilan carbone en pourcentage.
On remarque que l’étape ayant le plus grand poids sur l’environnement, c’est la phase agricole, surtout pour la production animale. Il y a des idées reçues comme quoi c’est forcément mieux de prendre du bœuf français. Mais ça reste du bœuf. Prendre du boeuf produit en France, en terme de pourcentage de ton impact carbone, ça ne va pas réduire beaucoup l’empreinte de ton assiette. En moyenne, en France une assiette c’est 2kg de CO2, une assiette de bœuf c’est 5kg de CO2. En comparaison, une assiette végétarienne, elle, aura une empreinte de 600g de CO2. Là ça change pas mal le bilan. L’empreinte carbone augmente notamment parce qu’il y a toute la phase d’alimentation de l’animal lui-même.
Nous travaillons avec Etiquettable depuis 1 an et demi, ils nous donnent accès à leur calculateur qui est ce qu’il y a de plus avancé sur l’empreinte environnementale des aliments. On peut travailler beaucoup plus efficacement, c’est vraiment performant.
Est-ce que vous avez une idée des effets de votre affichage sur les publics de la restauration collective ?
Oui, nous avons fait une étude d’impact il y a 2 ans, on avait eu des estimations très globales avec le début de la crise sanitaire. Sur 3 mois d’affichage avec FoodPrint, cela a permis d’économiser 7% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’impact total des plats du restaurant. On estime que près de 15% des personnes fréquentant le restaurant prenaient en compte l’affichage de façon quotidienne et 70% au moins une fois de temps en temps.
Aujourd’hui [ndlr, Novembre 2021], FoodPrint est sur 4 restaurants universitaires. Dans 5 ans, je vois grand pour cette entreprise et j’aimerais pouvoir embaucher des personnes. Là nous lançons le projet à 2, si dans 5 ans on peut être 10 ou 20 personnes et toucher un bon nombre de gens, ce serait génial. L’enjeu est d’avoir un gros impact et de créer de l’emploi, c’est une problématique de l’entrepreneuriat social.
Pour toi, qu’est-ce que l’alimentation influence dans la société ?
Je pense qu’il y a de multiples influences qu’on peut diviser en différentes grandes catégories, qui sont liées :
- L’impact environnemental, sur le climat et sur les écosystèmes avec les émissions de gaz à effet de serre, notamment concernant les bovins et ovins. Il y a également tout ce qui concerne les méthodes de production intensive qui détruisent les sols et les écosystèmes, ce qui modifie énormément nos paysages et la biodiversité.
- L’impact sur la santé, avec ce qu’on mange, cela a un impact non négligeable sur notre bien-être, sur comment on se sent au quotidien.
Ce sont les deux grandes familles que je vois. Dans le côté environnemental il y a aussi la problématique des déchets qui va impacter la biodiversité avec les plastiques, les micro plastiques qui se retrouvent dans notre alimentation. La boucle est « tristement » bouclée j’ai envie de dire…
- Après, il y a aussi l’impact social. C’est un troisième critère mais il est beaucoup moins mesuré et pris en compte aujourd’hui selon moi au niveau de l’alimentation. L’impact social du café ou du chocolat, par exemple, va peut-être être davantage remis en question. Ou quand une personne rentre du marché, elle peut davantage se demander quel est les impacts environnementaux et sanitaires de son panier.
Le jour où on arrivera à faire un indicateur qui regroupe les deux (critères environnementaux et sanitaires), voire les trois avec le social, qu’il soit compréhensible et transparent, là on aura tout gagné – même dans la grande distribution.
Parce-que sur un paquet de chips on pourrait avoir un éco-score (indicateur de performance environnementale). Sachant qu’on a déjà le nutri-score (indicateur de performance nutritive et sanitaire), si on multiplie les indicateurs, ça fait trop d’informations… Si on arrive à agréger cela en un seul indicateur, ça serait top. Mais ce n’est pas simple.
Quel est ton point de vue concernant les volontés politiques concernant l’impact de notre alimentation sur l’environnement et la santé ?
Suite à la Convention Citoyenne pour le Climat, il y a eu une proposition de généralisation d’un éco-score à horizon 2024, qui n’a cependant pas été voté à l’Assemblée Nationale. Mais l’Ademe a lancé un appel à projet, l’expérimentation est suivie de près par le Ministère. Il y a un intérêt de la part du gouvernement mais ce n’est pas lui qui va lancer la démarche. Comme pour beaucoup de sujets, il faut que le grand public, les entreprises, les organisations s’y intéressent pour que le gouvernement suive avec le temps.
C’est ce sur quoi je mise pour FoodPrint, l’éco-score n’est pas voté de façon obligatoire mais la société civile commence vraiment à demander à aller dans ce sens là. Si une loi passe en 2024 sur ce sujet, pas mal de choses pourraient changer.
Après, au niveau de l’échelle du projet actuellement, la ville de Grenoble et la Métropole sont engagées. Il y a un plan alimentaire territorial, très engagé au niveau de la restauration collective, avec la loi égalim qui encadre la restauration collective et qui met pas mal de sujets sur la table. Maintenant il faut se frayer un chemin à travers ce gros paquet législatif pour proposer un affichage.
Est ce que les valeurs que tu portes avec FoodPrint sont présentes dans ta vie quotidienne ?
Elles ne le sont pas parfaitement mais elles le sont. C’est important d’avoir une certaine cohérence, je ne vais pas traverser le monde en avion, il faut être logique. Depuis que j’ai commencé à travailler sur le projet je suis passé d’une alimentation française classique, je mangeais tout le temps de la viande. Maintenant on peut dire que je suis flexitarien, je vais manger des bons bouts de viande tous les 3 mois. J’essaie de faire la part des choses et de trouver mon équilibre. J’ai dû diviser par deux mon empreinte carbone au niveau de la nourriture. Ce n’est pas encore suffisant mais c’est un premier pas. C’est un travail que je continue jour après jour mais c’est important de se rendre compte que changer les habitudes ce n’est pas évident. Pour les personnes auxquelles on s’adresse ce n’est pas évident non plus, on ne peut pas leur demander la lune. Il faut apporter l’information et ensuite c’est quelque chose qui prend du temps.
Notre échange avec William date un petit peu, depuis, il a intégré le parcours Pépite Ozer à Grenoble où il est accompagné jusqu’en 2023. De plus, leur activité s’est diversifiée :
- Ils continuent de travailler avec les restaurants Crous de Grenoble sur l’affichage de l’empreinte carbone des repas et se sont étendus aux restaurants d’entreprises.
- Ils travaillent donc notamment avec le restaurant inter-entreprise de Veolia et TechnipEnergies à Vaux-en-Velin pour leur fournir un affichage de l’empreinte environnementale de leurs plats.
Pour réaliser ces calculs, ils ne sont désormais plus dépendants de la solution Etiquettable car ils ont développé leur propre outil de calcul qui leur permet d’être indépendants et plus précis sur leurs besoins.
- Ils ont également développé un service de Formation et Conseil en proposant notamment d’accompagner les restaurateurs et les traiteurs à l’élaboration de menus bas carbone.
William nous invite ainsi à questionner notre rapport à la nourriture, à l’empreinte environnementale, sociale et sanitaire qu’elle peut avoir. C’est une démarche qui prend du temps et qui doit se faire une place, dans la restauration collective comme à la maison, dans les consciences et dans la réglementation pour une généralisation prochaine.
Et VOUS ? Savez vous quel est l’impact de ce que vous mangez ?
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