La dernière fois, je vous avais guidé sur les longs chemins de la production de nos vêtements. Aujourd’hui, j’aimerais vous emmener avec moi, découvrir ce qui se passe après. Après qu’ils aient été confectionnés, transportés d’un bout à l’autre du monde, vendus et portés.
Si vous avez manqué l’article précédent :
7| Débarrasse t’en qu’ils disent !
Pour 6 439 833 tonnes de vêtements mis sur le marché, 11 100 000 tonnes de déchets sont produits. Un petit calcul s’impose… 5 petits millions de tonnes de déchets gravitent tout le long de la chaîne de production. Mais selon vous, quelle étape produit le plus de déchets ? La Destruction évidemment, peu de possibilités de recyclage, manque de tri ! On aurait tous deviné !
Fast Fashion, quand tu nous tiens…
7.000 à 11.000L d’eau pour la fabrication d’un jean
6,4 millions de tonnes de vêtements ont été consommés en Europe en 2015 (1)
2.700L d’eau pour un t.shirt.
Mais comment nous blâmer lorsque les entreprises ne montrent pas le bon exemple. Elles sont également vecteur d’abandon, lorsqu’elles détruisent 5 fois plus qu’elles ne donnent les invendus… Cela conduit à un désastre tant social, qu’économique et environnemental !
Chaque seconde, l’équivalent d’un camion à ordure est mis en décharge ou est brûlé dans le monde (2).
Est-ce que vous vous imaginez ?
Il est essentiel de repenser et changer les business models de la mode (la fondation Ellen MacArthur en parle très bien (3) ) pour impliquer la durabilité émotionnelle et d’usage des textiles (réparation de ses propres vêtements, location, partage de vêtements…), ça ne peut plus continuer ainsi !
8| Recyclage, recyquoi ?
3,4 kg c’est le nombre de kilo de textiles collectés par habitant, sur les 9,5kg par habitants mis sur le marché en 2017, soit seulement 36%.
On en arrive donc au plus intéressant. Pour la part des produits textiles qui finiront dans les bennes de récolte de produits textiles, et non dans vos bacs noirs à destination de l’incinération ou de l’enfouissement, une nouvelle aventure commence.
Et comme par hasard, on retourne à l’étiquette. Quelles matières premières composent le produits ?
- Si le textile est produit à base de fibres mélangées, il sera difficilement recyclable. Cette composition représentant la majorité du marché, engendre une capacité de recyclage de seulement 1% de ces textiles.
- Si le textile est majoritairement composé de coton, un recyclage mécanique est possible mais la fibre risque d’être abîmée contraignant le textile suivant à ne contenir que 20% de fibres recyclées et redirigeant les fibres recyclées vers des filières de moindre valeur (isolant thermique, rembourrage…)
- Si le textile est en polyester, il sera beaucoup plus facile à recycler mais en boucle ouverte, il pourra ainsi aider à l’isolation mais pourra difficilement réintégrer la filière habillement.
Voilà où on en est, et forcément, pour ne pas changer des « bonnes » habitudes, ceci produit de nouveau des déchets, par le besoin énergétique pour le recyclage et la nécessité de réutiliser des produits chimiques pour réaliser une nouvelle coloration ou un nouveau tissage !
On prend un exemple ? Voici le trajet de 100 000 tonnes de vêtements jetés aux quatre coins du monde (5).
Retour aux conteneurs, une partie des vêtements réceptionnés par les collecteurs vont reprendre la route pour un second tour du monde, direction Kutch (Inde) où d’immenses sacs sont réceptionnés puis exportés vers Panipat à plus de 700 km de là. Prochaine étape, retirer les boutons et les fermetures éclairs qui ornent ces parures. Les femmes de Panipat, se demande, comment il est possible de porter ce genre de costume… Les vêtements, sont ensuite hachés et re-transformés en fil. Et la boucle reprend, ils sont de nouveau tissés en énormes couvertures qui repartiront sur les routes. Ces travailleurs ne savent pas ce qu’il va advenir de ces couvertures, surement une partie redeviendra du textile, une autre des isolants… Quand on sait qu’en France en 2018 on a collecté 239 000 tonnes et que ça ne représente que 36% de ce qui avait été mis sur le marché, ces 100 000 tonnes traitées à Panipat ne sont qu’une ridicule partie de l’immensité des déchets que nous produisons…
This is the final resting place of your cast off clothing – Meghna Gupta
Donc si on récapitule, ECO TCL payé par les REP (Responsabilité Élargie des Producteurs) collecte nos déchets textiles – seulement 23% des marques mettent en place cette collecte –, les trie puis en envoie une partie en recyclage dans les pays d’Asie qui n’ont, eux même, pas de système efficace et efficient de collecte des textiles. Il est essentiel que les pouvoirs publics s’emparent de cette problématique.
La nouvelle loi de lutte contre le gaspillage et économie circulaire de l’UE promeut l’utilisation d’un certain pourcentage de matière recyclée dans chaque produit mais si c’est pour que la matière première refasse 4 fois le tour du monde pour nous revenir est-ce vraiment rentable ? Pour moi ici, une grosse question éthique se pose. J’ai donc essayé de trouver une définition de la mode éthique.
La mode éthique est “une mode qui associe des créateurs qui cherchent à diminuer l’empreinte écologique de leur production en utilisant des matières issues de l’agriculture biologique ou recyclées, et des procédés de fabrication moins consommateurs d’eau, d’énergie et de transports, dans le respect des travailleurs.«
ADEME
Est-ce que cela signifie que le travail ouvriers de la chaîne de production est correctement rémunéré et leurs droits respectés ? Peut-être pas. Mais cela n’enlève pas le problème des transports et du tour du monde que fait notre produit avant d’atterrir une fois, deux fois (après recyclage) en magasin… Pour moi c’est encore un concept à questionner !
Si vous avez un avis à partager, je suis preneuse!
Ainsi, la filière textile c’est, 300 millions d’employés tout au long de la chaîne de valeur, majoritairement exploités, sous-payés, des produits chimiques à foison, de la fast fashion (doublement de la production de vêtements ces 15 dernières années), des externalités négatives, 195 millions de tonnes de CO2 émises en 2015 (production de matière première, énergie pour agriculture et la polymérisation des matières synthétiques, traitement d’autres fibres, impression des tissus, teinture, thermofixation et phase d’utilisation) et des déchets en pagaille (2,1 milliard de tonnes de déchets textiles sont produits dans le monde chaque année) ne permettant qu’à 1% du textile recyclé de redevenir du textile. Promue seconde industrie la plus polluante, le secteur du textile à encore du travail pour devenir durable et “vertueux”.
Et ça ne vous inquiète pas ? Personnellement, cela me glace le sang !
Alors qu’est ce qu’on peut faire pour changer les choses ?
Déjà, il serait essentiel de favoriser l’éco-conception, penser à l’avance ce que deviendra le textile une fois mis au rebut. Si on créait pour créer, la planète deviendra bientôt (si ce n’est pas déjà le cas) une déchetterie géante emplis de matériels dont l’utilité n’est qu’illusoire et éphémère. La solution ne serait-elle pas déjà de moins consommer et de se poser les bonnes questions avant de faire un achat ?
« En ai-je vraiment besoin ? Puis-je le trouver ailleurs ? Puis-je trouver un produit équivalent et de meilleur qualité, qui respecte davantage l’environnement et les conditions sociales des travailleurs ? »
Les stylistes ont leur rôle à jouer sur l’impact environnemental de leurs productions, les donneurs d’ordre également, les pouvoirs publics doivent prendre une place centrale afin de faire valoir les droits de chacun. Et nous, petits consommateurs, avons notre rôle à jouer en incitant au changement, en refusant d’acheter dans des magasins qui négligent les droits sociaux et environnementaux au profit du pouvoir et de l’argent. Adoptons une consommation responsable.
Alors vous en pensez quoi, et si on tentait de raccourcir la chaîne de production et demander à nos marques de connaitre l’ensemble de leurs interlocuteurs pour rendre plus éthique nos modes de production ? Selon le Global Fashion Agenda (6) , ce sont les plus petites entreprises dont la chaîne d’approvisionnement est la plus courte qui arrivent à opérer les plus grands changements et les plus grandes avancées au profit de la durabilité, de la protection de l’Homme et de l’Environnement. Pourquoi ? Ils connaissent l’ensemble des acteurs de leur chaîne d’approvisionnement et peuvent négocier directement avec eux. De plus ils sont plus flexibles et peuvent davantage s’adapter car plus petits. En comparaison, les grands de la mode accessibles ont de plus en plus de mal à trouver des solutions pour augmenter leur pulse score.
Après ce voyage dans la peau d’un vêtement, je peux vous dire que mon regard a un peu changé ! J’espère que j’aurais su partager avec vous ces découvertes.
Il y a encore de l’espoir, je me suis faite une petite liste des bons conseils pour choisir mes futurs vêtements et des marques plutôt responsables. Je vous les partage !
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Conseils pour choisir vos vêtements :
- Favoriser les tissus mono matières
- Préférer les tissus brodés ou tissés, aux imprimés à base d’encre synthétique.
- Préférer les matières naturelles comme le coton bio, le lin (80 % d’origine européenne – même s’il part souvent au tissage à l’autre bout du monde, c’est toujours mieux que rien), le chanvre… (7)
- Allonger la durée de vie du vêtement en évitant d’acheter neuf ! La seconde main, c’est super bien !
- Préférer les vêtements non teint, certains coton ont déjà une couleurs d’origine (vert pâle, ecru..)
- Préférer les produits certifiés GOTS (8) (Global Organic Textile Standard, certificat d’une production de textile responsable d’un point de vue social et environnemental. Votre textile contient au minimum 70% de fibres biologiques et prend en compte toutes les normes environnementales de rejet des eaux usées…)
- Arrêter de demander des tickets de caisse, préférer la réception de vos tickets par mail (ça compte aussi !).
- Trier et déposer les vêtements qui dorment dans vos placards dans un centre de tri (https://www.lafibredutri.fr/)
Conseils de marques plus responsables :
Vous en connaissez d’autres ? Partagez les avec nous !
N’oublions pas de toujours continuer à questionner ces marques lus éthiques pour assurer une continuité de la qualité sociale et environnementale de nos textiles.
Conseils de documentaires à voir !
- The True Cost – Andrew Morgan
- Made in Bangladesh – Rubaiyat Hossain
- The next Black – David Dworsky, Victor Köhler
- River Blue – Roger Williams, David McIlvride
- The price of free – Derek Doneen
- Coton, l’envers de nos tee-shirt – Cash Investigation
#moderesponsable #sustainablefashion #closetdetox #slowfashion
Bibliographie :
- Chiffres clés de l’Union des industries textiles 2017-2018 : http://www.textile.fr/wp-content/uploads/2018/06/chiffres_cles.pdf
- Waste is it really in fashion: https://www.fashionrevolution.org/waste-is-it-really-in-fashion/
- A New Textile Economy : https://www.ellenmacarthurfoundation.org/assets/downloads/publications/A-New-Textiles-Economy_Full-Report_Updated_1-12-17.pdf
- Cartographie du devenir des textiles, lin et chaussure usages : https://www.ecotlc.fr/ressources/Documents_site/Cartographie_du_devenir_des_TLC_usages_FR.pdf
- This is the final resting place of your cast off clothing https://aeon.co/videos/this-is-the-final-resting-place-of-your-cast-off-clothing
- Global Fashion Agenda : https://globalfashionagenda.com/pulse-2019-update/#
- Quoi mes habits polluent , voici comment m’habiller écolo : https://reporterre.net/Quoi-mes-vetements-polluent-Voici-comment-m-habiller-ecolo
- Global organic textile standard : https://www.global-standard.org/fr/le-referentiel.html
Pour aller plus loin :
Infographie mode – ADEME : https://multimedia.ademe.fr/infographies/infographie-mode-qqf/
Mapping clothing impact in Europe – ECAP : http://www.ecap.eu.com/wp-content/uploads/2018/07/Mapping-clothing-impacts-in-Europe.pdf
Mistra futur Fashion : http://mistrafuturefashion.com/wp-content/uploads/2018/04/Annual-Report_Mistra-Future-Fashion-2017_-PDF.pdf
Fashion question time – Fashion Revolution : https://www.fashionrevolution.org/fashion-question-time-2020/
Quel est le problème – Collectif l’éthique sur l’étiquette : https://ethique-sur-etiquette.org/Quel-est-le-probleme